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Une rupture, un veuvage, un divorce, des problèmes de santé physiques ou psychologiques, ou tout simplement une chute de la libido peuvent entraîner une période d'abstinence plus ou moins prolongée. Que ce soit après un an, deux, voire même après dix ans d’abstinence, le retour à la sexualité est un moment parfois difficile. À cela s’ajoute une pression sociale qui voit dans l’abstinence une forme d’échec personnel, voire une anormalité, comme l'explique la sexologue Mireille Bonierbale : « Il y a une injonction à jouir, et ceux qui n’y répondent pas ou qui restent un peu trop longtemps sur la touche sont suspects… Cette suspicion a des effets toxiques sur l’individu : au moment de la rencontre, le désir peut ne pas être un moteur mais un frein. » Alors que le désir peut lentement renaître, rejaillissent avec lui toutes sortes de peurs. Creusons un peu.
Les questions qui nous taraudent
Renouer avec le sexe peut s’avérer être une vraie épreuve narcissique : « Vais-je être à la hauteur ? », « Serai-je à l’aise avec son corps et avec le mien ? », « Va-t-elle/il s’apercevoir que je ne l’ai pas fait depuis longtemps ? ». Vaut-il mieux taire la période d’abstinence ou faire part de ses craintes et de son malaise à son partenaire ? Pour la sexologue et psychothérapeute Brigitte Martel, mettre en mots ses craintes permet de les rationaliser. Néanmoins il ne s’agit pas non plus « d’avouer » une faute ou une incompétence, mais de dire à son partenaire que l’on se sent un peu anxieux, sans forcément en donner toutes les raisons. Jouer franc jeu, c'est le meilleur moyen de prévenir son partenaire qu'il vous faudra peut-être un petit moment d'adaptation… La plupart du temps, cet aveu allège l’atmosphère et permet aux partenaires d’être plus attentifs, mais aussi plus ludiques. Cette angoisse de la performance, souvent liée à un savoir-faire plutôt masculin, est aujourd’hui désormais partagée par les deux sexes. Car les femmes souscrivent à un culte du corps très anxiogène : il est difficile d’aller à la rencontre de l’autre, d’entrer dans une intimité, si l’on considère que seuls les corps jeunes, fermes et minces sont désirables… Autant de pensées négatives qui peuvent entraver et retarder la remise en selle….
Les freins au lâcher prise
Si refaire l’amour suscite autant de désir que d’appréhension, c’est aussi parce que la rencontre est souvent vécue comme une épreuve narcissique, un examen de passage. Après avoir eu le même partenaire pendant 20, 30, 40 années…, il est normal de se sentir de nouveau débutant(e), non ? Dans le cas d’un veuvage, la culpabilité de tromper l’être tant aimé est un frein majeur à une renaissance sexuelle. Pour d’autres, c’est la notion de performance qui les freine. « Les amants modernes ont souvent un chronomètre dans la tête, comme dans un casting, ils doivent briller, donner le meilleur d’eux-mêmes. C’est très anxiogène, car chacun sait qu’il joue un rôle et il devient difficile d’établir cette connexion intime qui laisse de la place à la confiance, une des conditions nécessaires pour aborder sereinement une rencontre sexuelle », note le psychanalyste Jean-Michel Hirt. On ne peut pas ressentir du plaisir ni entrer dans une intimité avec l’autre, avec son corps, si l’on est soi-même sur la défensive... Or, s’occuper de son corps permet d’avoir confiance en soi et de se débarrasser de ses complexes. Par exemple se faire masser ou se masser soi-même, faire de la respiration abdominale, pratiquer régulièrement un sport sont autant d’éléments qui préparent le corps à une nouvelle sexualité et au lâcher prise. Le professeur Woinoff, psychothérapeute, témoigne : « Beaucoup de femmes se sentent indésirables non pas par ce qu’elles ne plaisent pas/plus aux hommes mais parce qu’elles ne se sentent plus assez de charme pour susciter le désir de l'homme !. Certaines doutant de leurs capacités de séduction préfèrent ne pas prendre le risque et renoncent. Or les hommes les apprécient telles qu’elles sont, sont attirés par ce qu’elles dégagent et cela n’a rien à voir avec un bourrelet en plus, des rides etc. ». Ces facteurs anxiogènes peuvent malheureusement entraîner de nombreux blocages au niveau de la libido, comme des problèmes de lubrification et des contractures réflexes des muscles périnéaux chez les femmes et des problèmes d’érection difficile ou précoce et une baisse de la testostérone chez les hommes. Enfin, le fait de n’avoir connu qu’un seul ou peu de partenaires dans sa vie peut aussi être source d’appréhension. Une personne qui a connu beaucoup de partenaires saura-t-elle s’adapter et s’abandonner plus facilement ?
Oser repartir en « territoire inconnu »
À la crainte de ne pas être à la hauteur, s’ajoute parfois celle d’être malmené(e). « Refaire l’amour, cela signifie se donner à nouveau, donc courir le risque de revivre une déception ou une souffrance », souligne Jean-Michel Hirt, psychanalyste. Heureusement, avoir un nouveau partenaire, après avoir été abstinent(e), c’est aussi s’offrir la possibilité de partir à la découverte de nouvelles géographies sensorielles, de renouveler la gamme de son désir et de son plaisir. Une de ses patientes lui avoua un jour : « Je ne me souvenais pas que faire l’amour pouvait être aussi bon et aussi énergisant ». Cela est valable pour tout le monde à une condition : accepter de se laisser surprendre mais aussi se permettre d’aller là où on ne s’est peut-être jamais autorisé à aller… Soigner son mental est certainement une clé essentielle quand on reprend une activité sexuelle. Mais rassurez-vous, une fois la machine relancée, le corps n’oubliera plus… ;-)
Que vous inspire ce sujet ? Comment avez-vous renoué avec la sexualité après une période d’abstinence ? Avez-vous ressenti une appréhension certaine ? Ou cela s’est-il fait naturellement ? Vos témoignages nous intéressent !
Photo © Adobe – Auteur : Matthias Stolt
Betty_Nelly, 08/17/2023